posté le mardi 19 août 2008 à 15:55
Les Dames Blanches
LES DAMES BLANCHES
Le familier des bois retourne à l’éther. Chaque brin d’herbe est un monde, tout sentier un moyen d’accès aux cités miragineuses. Il cherche la Parisette , l’herbe d’oubli, le chant d’un cor l’appelant au sommeil des Elfes. Une fois le temps cueilli, rangé sous son mouchoir, il peut s’installer et attendre. Lentement le ciel bleuissant qui le coiffe se fait plus automnal. La précision des feuilles s’efface au profit des essences, ne laissant sur l’orée qu’une idée de forêt.
Les bruits crépusculaires sont devenus des messages. « L’être rêvant dans la nuit trouve le merveilleux tissu du temps qui se repose. » Il abandonne son livre et se confie aux songes efflorescents. Une posée sur la cime d’un arbre capte sa raison, l’isole de la terre, l’évapore, tirant vers elle les ramures de lierre d’une filiation aérienne. L’astre brillant s’entoure d’un peu de larmes. »On entendra la musique des sphères quand l’imagination sera établie dans son rôle vivant comme guide de la vie humaine. »Le rituel est simple, l’ombre régnante a dématérialisé tout repère pour accueillir l’Invité aux dimensions de l’âme. L’aura d’une luciole, d’un papillon de nuit, de prunelles de bête allume la voie lactée des mousses. Dessus l’étang s’élèvent des mouvements d’air qui ont vécu jadis, un lambeau de brume se détache et s’envole pour vêtir une âme. Une Dame Blanche se forme en suspens puis glisse sur un reflet en se multipliant…
Ce sont les créatures alchimiques de la matière imaginaire et de l’esprit imaginant. Comme le martin-pêcheur est la fulgurante fusion du ciel, de l’eau et d’un éclat solaire, elles sont les alliances subtiles des émanations de la forêt, des soupirs de l’eau et des vapeurs humaines. Saluées par le chant des grenouilles, elles remontent le long des autels creux des chênes séculaires, des fontaines sacrées où bruissent encore les échos d’anciennes prières. Accrochées aux fuseaux des rayons, elles s’étirent des limbes de pénitence, d’une roche sanglante, d’un songe. A la garde-robe des Fées, elles empruntent des voiles de peine ou des souliers dansants et, l’espace d’un minuit, font et refont les gestes d’une histoire secrète et enfouie dont se souvient la mémoire d’un hibou.
Lorsque la nuit est sombre, la Blanche Belle d’Elven se promène sur les landes et dans la plaine aux environs du château ; de nombreuses taches de sang souillent sa robe. Souvent on aperçoit aussi un fantôme drapé dans un suaire en lambeaux qui vient à sa rencontre. Tous deux échangent des paroles d’amour et l’on se garde bien de les troubler. Ce sont les âmes de la dame d’Elven et d’un chevalier qui péri en la défendant ; quand il fut mort, elle l’embrassa, puis s’enfonça un poignard dans le cœur.
L’Ombre Blanche de Midone, frappée par son père un jour qu’elle s’interposait entre lui et son époux, revient chaque nuit prier et pleurer sur les vestiges du château de Montaigle. Elle erre en silence en le cherchant désespérément ; mais tous les dix ans, au coup de minuit, elle l’appelle en poussant un seul cri : »Gilles ! »
Les habitants de Pouancé voient régulièrement une femme vêtue de blanc qui s’élève comme une vapeur légère, un doigt posé sur les lèvres. Elle soupire et plane au-dessus des remparts ruinés du château. C’est le spectre d’une noble dame séquestrée et emmurée par un mari jaloux dans une des salles souterraines de la forteresse.
On y a mis au jour une chambre secrète où se trouvait la dépouille desséchée d’une femme assise devant une table garnie d’une assiette et d’un couvert d’argent. Dans la bouche grande ouverte du cadavre encore lié à son fauteuil, étincelait une pièce d’or.
Depuis sept siècles, la Dame Blanche du Pflixbourg hante la forteresse dominant la basse vallée de la fecht. Elle glisse à ras du sol dans sa longue robe neigeuse dont les voiles flottent au vent ; et pleure en cherchant ses enfants enlevés dans le jardin, en plein midi, par un aigle qui les a ensuite laissés tomber sur les rochers de la montagne du lac blanc.
Certaines de ces pâles créatures gardent des trésors comme des pénitences.
Une femme blanche se penche, la nuit, au-dessus des créneaux du château de Montafilant, près de Corseul, en haute Bretagne, avant de disparaître dans les souterrains d’où on l’entend compter des pièces d’or et pleurer. Cette ombre diaphane est celle d’une dame de la maison de Dinan que son écuyer vendit pour une forte récompense « sonnante et trébuchante », et elle revient ainsi réclamer à ce serviteur félon le prix qu’il a reçu pour sa trahison.
Il y a de cela bien longtemps, des nonnes enfouirent un énorme coffre rempli d’or et d’objets précieux dans une caverne près du village de Haselbourg. Depuis, leurs âmes errent la nuit dans la campagne jusqu’au jour où un humain découvrira le trésor et en prendra possession. De temps à autre, elles apparaissent à des promeneurs solitaires. Une fois, un jeune homme vit dans un verger une dame vêtue de blanc. Elle tenait en main un trousseau de clefs et le lui tendait avec insistance. Mais le garçon s’enfuit, épouvanté, poursuivit par les cris désespérés de la « conjurée ». Elle se montra ensuite à une jeune fille qui refusa aussi les clefs. La religieuse alors fondit en larmes et disparut.
La Balselweibchen du Baselwald propose également au passant de le guider jusqu’à un trésor qu’il est préférable de ne pas posséder. Tous les cent ans une Dame Blanche se montre au bord de l’étang d’Offémont. Elle se tient, serrée entre les dents, une clef de feu. Si on acceptait de s’en servir, elle serait délivrée de sa damnation.
Au pays de Galles, dans la vallée d’Ogmore, les nuits de pleine lune, on entend des chants lugubres venir des ruines du château voisin. C’est la voix de la Dame Blanche, Y Lady Wen, qui veille un « noir trésor ». On s’enferme, on se terre, on éteint de peur qu’elle ne vienne frapper à la porte pour en proposer l’accès. Hélas, toujours le passant demeure sourd à ses supplications. Une fois encore in s’enfuit, dédaignant la caresse d’un corps astral sous une robe de lune ; refusant l’or des Fées- car toutes leurs actions, n’ont d’autre but que de se libérer de la malédiction qui les condamne à la hantise, et les empêche d’accéder au repos ; aussi, à tant mendier vainement, les « Blanches Dames de Revirement » sont devenues dangereuses.
La Demoiselle Blanche de Tonneville règne sur les landes depuis qu’elle s’était écriée : « Si après ma mort j’avais un pied dans le ciel et l’autre en enfer, je retirerais le premier pour avoir toute la lande à moi. »
Un homme qui traversait son lieu de hantise à cheval entendit une voix féminine très douce qui demandait : « Où coucherai-je cette nuit ? » Le cavalier, apercevant une belle demoiselle en blanc, répondit : « Avec moi. » Aussitôt la jeune fille sauta en croupe derrière lui. Mais quand il voulut l’embrasser, elle lui montra des dents d’une longueur démesurée et s’évanouit. Il s’aperçut alors qu’elle l’avait conduit au milieu des marais pour le voir s’y noyer.
Dans la forêt de Serre, et les bois de la Fau, près de Dole, en Jura, les Dames Blanches attirent les garçons par des chants mélodieux et des gestes amoureux, puis se transforment en Goules pour les dévorer. Au tertre des Hogues, elles les précipitent dans un bourbier, les Blanquettes du Dauphiné dans un précipice. La Dame Blanche de la cathédrale de Strasbourg conduit vers les hauteurs le visiteur imprudent jusqu’à ce que le vertige le pousse dans le vide. La Demoiselle Blanche au miroir étourdit et fait tournoyer sa victime dans les airs avant de la laisser retomber sans mémoire.
Comme les Banshies, les Dames Blanches sont aussi messagères de mort et de catastrophes : il y avait autrefois à Mortagne-sur-Sèvre une fontaine qui inspirait la terreur. Après avoir fait cinq fois le tour du dallage, on voyait apparaître une forme blanche ressenblant à une statue de neige qui soupirait et s’agitait. Les formes se précisaient alors et l’on pouvait voir une grande femme aux cheveux clairs, vêtue d’une robe blanche. Rempli d’effroi, on voulait s’enfuir. Mais sans cesse l’ombre rattrapait le fuyard et ne retournait à ses fumées qu’après lui avoir prédit peines et deuils qui toujours se réalisaient.
Mais la Dame Blanche n’est pas seulement une hantise gothique un tantinet sanglante. L’arbre des Fées de Jeanne la Pucelle lui offre aussi son abri. C’est à travers ce feuillage que de-ci, de-là, par-ci, par-là, des voyants éblouis vont l’harmoniser aux apparitions de la vierge blanche, sainte Marie des grottes et fontaines.
Des jeunes gens témoignent l’avoir rencontrée le vendredi 14 septembre 1984 à 22 h 30, à Montpinchon dans la Manche : « A travers les arbres, une lueur qualifiée de froide, au départ comme un morceau de glace bleutée, prend forme et apparaît une grande femme portant un voile blanc lui retombant en plis jusqu’aux pieds, comme la cornette d’une bonne sœur, sur ses cheveux blonds très lumineux. Elle ne bougeait pas et avait les mains jointes comme dans une prière. Elle n’a pas de visage, ni de nez, ni de bouche, ni d’yeux. » « Dame Blanche ou Sainte Vierge ? » S’interroge le journal local.
La confusion prend sa source dans la mémoire collective. La Dame Blanche est une des rares Fées qui ne s’est jamais fanée, qui s’est toujours adaptée au mode du temps jusqu’à troubler de ses voiles brumeux les techniques de l’audiovisuel. La petite blanquette des fontaines fait régulièrement la une des journaux et inscrit sa légère silhouette dans notre mythologie contemporaine. On a filmé son « passage » au château de Veaucé ; des automobilistes l’ont prise en stop au quatre coins de la nuit. Un peu partout la même histoire se répète : il fait nuit, il pleut, les phares de la voiture éclairent brusquement au coin d’un carrefour de campagne la forme mince d’une jeune fille vêtue de blanc. Elle fait signe de la main et le conducteur s’arrête pour la conduire plus loin. Elle paraît si fragile dans sa robe trempée qu’il lui propose son manteau posé sur la banquette arrière. Après quelques kilomètres, d’une main pâle et tremblante, elle lui montre où l’arrêter ; et avant qu’il ne ralentisse et se gare, elle disparaît comme ça, tout à coup, sans bruit, sans ouvrir la portière. Abasourdit, il descend de la voiture, l’appelle mais la rue et desserte.
Peut-être s’est elle engouffrée dans cette maison en face sans qu’il s’en rende compte. Il aimerait récupérer son manteau que, dans sa hâte, elle a emporté. La porte s’est ouverte. Une dame le fait entrer et se trouble à son récit, sanglote à la description de l’inconnue dont il reconnaît les trait sur la photographie qu’elle lui tend : c’est celle de sa fille, tuée dans un accident, il y a cinq ans. Une voiture la renversée justement à ce carrefour où il l’a prise en charge. Ce n’est pas la première fois qu’elle « revient » ; d’autres automobilistes sont déjà venus lui raconter leur étrange aventure. A chaque fois, « la blanche passagère » s’évanouit devant son ancienne demeure et regagne le cimetière. Sur la pierre tombale de la jeune défunte, qu’il est allé visiter sans trop y croire, son manteau est posé…
Extrait de « La grande encyclopédie des Fées » par Pierre Dubois
Commentaires
Nuit-Feline le 27-01-2009 à 14:06:52 # (Retour dans ton *Univers*)
Petit cadeau d’amitié :
Ajouter des paillettes à tes photos
royaumechichi le 10-01-2009 à 21:41:54 # (Retour dans ton *Univers*)
je te souhaite un bon week end cyndelle
et bonne soirée o chaud
bisous
SLIEBLUME le 23-08-2008 à 01:16:11 # (Retour dans ton *Univers*)
je souhaite un trés bon week end bisous